La confrontation de deux systèmes : Objectifs de dév...

La confrontation de deux systèmes : Objectifs de développement durable (ODD) ou renforcement de l’OMC ?

Publication of type Article published on 03-03-2016

La dimension universelle des Objectifs de développement durable (ODD) confère un rôle à tout un chacun dans leur mise en œuvre et invite surtout au développement de partenariats innovants en faveur de leur réalisation. Les acteurs économiques, qu’il s’agisse du secteur privé comme des bailleurs de fonds internationaux (Banque mondiale, FMI etc.) sont appelés à jouer un rôle central, le financement de la mise en œuvre des ODD étant un enjeu majeur. Le rapprochement du secteur privé et des Nations Unies, et plus spécifiquement celui qui s’opère entre les Nations Unies, l’OMC, et les institutions financières internationales soulève pourtant un certain nombre de questions. Si la convergence et la concentration des efforts des acteurs du développement sont sans doute souhaitables, les objectifs de ces différentes institutions internationales sont-ils compatibles ? Que penser de ces rapprochements ?

Le 27 septembre dernier, les États membres des Nations Unies ont adopté un programme de développement durable comprenant 17 objectifs - Objectifs de développement durable ou ODD - mondiaux pour mettre fin à la pauvreté, lutter contre les inégalités et l'injustice, et faire face au changement climatique d'ici à 2030. Fruit d’un long processus de négociations internationales et multipartite, ces ODD traduisent une évolution de la politique internationale, tant dans la manière de déterminer les objectifs d’action, les ODD ayant été élaboré de manière participative avec une multitude d’acteurs, que dans les sujets visés par les ODD.

 

Les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), qui ont précédé les ODD, fixaient un cap pour les États. Ils traduisaient une vision du développement encore limitée aux pays ayant besoin de soutien pour se développer économiquement. Avec les ODD, de nouvelles portes s’ouvrent au secteur privé. Leur mise en œuvre, définie à l’objectif 17, concerne tous les États, y compris les pays développés, et vise à faciliter l’implication du secteur privé dans les politiques publiques de développement, autrement dit, dans tous les secteurs d’intérêt général : accès à l’eau, éducation, santé, environnement, écologie etc.

 

De portée universelle, les ODD participent finalement à étendre une vision du développement axé avant tout sur la croissance économique, en inscrivant leur réalisation dans le système de l’OMC.  Selon l’objectif 17 des ODD, il s’agit en effet de : « Promouvoir un système commercial multilatéral universel, réglementé, ouvert, non discriminatoire et équitable sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce, notamment grâce à la tenue de négociations dans le cadre du Programme de Doha pour le développement ; Accroître nettement les exportations des pays en développement, en particulier en vue de doubler la part des pays les moins avancés dans les exportations mondiales d’ici à 2020 (…) [1] ».

 

Les ODD participent ainsi, de fait, à étendre le système commercial de l’OMC en justifiant son application à tous les pans de la société : environnement, santé, éducation, agriculture, justice, consommation, villes, écologie etc.  Les ODD cristallisent finalement un rapprochement des objectifs des Nations Unies avec ceux de l’OMC. Or, si « l’action commune des Nations Unies est de servir l’intérêt général », le plus important étant que « l’être humain soit au centre de tout ce que nous faisons », comme rappelait le Secrétariat général des Nations Unies dans son rapport de lancement des OMD en 2000[2], celui de l’OMC est le développement d’un environnement commercial ouvert, permettant « une plus forte croissance des échanges, des investissements, de l'emploi et des revenus dans le monde entier[3] ». Le rapprochement de ces deux institutions n’est donc pas sans soulever un certain nombre de questions, à commencer par la consultation des populations concernées par les nombreux projets dits de développement, censés répondre à leurs besoins et qui seront désormais justifiés par les ODD.

 

La multiplication, ces quinze dernières années, des affaires mettant en cause la responsabilité des entreprises multinationales dans le non-respect des droits fondamentaux ou de l’environnement est par ailleurs révélatrice d’un malaise concernant le développement d’un modèle économique ne profitant pas au plus grand nombre. La question de l’acceptabilité sociale des projets conduits par les entreprises ou par des partenariats publics/privés est d’ailleurs devenue un enjeu majeur pour de nombreuses entreprises.

 

Pour preuve, la problématique de l’accaparement des terres par des entreprises et des États, dénoncé par de nombreuses organisations de la société civile, et qui illustre les oppositions entre le modèle de développement promu et les aspirations des populations vivant sur ces terres. L’acquisition de terres par des entreprises peut alors donner lieu à des conflits, souvent violents, desquels les entreprises peuvent se rendre complices. De même, les nombreuses affaires mettant en cause la mauvaise redistribution des richesses tirées de l’exploitation des sols aux communautés locales avoisinantes, ou encore le non-respect des droits des travailleurs dans les chaînes d’approvisionnement, les problèmes de pollution, de destruction de la biodiversité, de privatisation de l’accès à l’eau etc... Sans parler de l’évasion fiscale, qui dépossède les États de sources de financements indispensables aux politiques publiques. Bref, les projets de développement répondant aux objectifs des institutions que sont l’OMC ou la Banque mondiale, se font bien souvent sans consultation des individus affectés par lesdits projets, bien que les entreprises affichent des politiques de plus en plus responsables.

 

Dans ce contexte, la mise en œuvre des ODD participera sans nul doute à renforcer un système commercial international dont la vision unique de développement est axée sur une croissance économique toujours plus importante, et cela alors que des initiatives se développent de toute part pour tenter de responsabiliser les acteurs de ce commerce international et que des milliers d’initiatives dites « alternatives » - à ce modèle - voient le jour un peu partout dans le monde, pour répondre localement, aux besoins des individus.

Les partenariats sont de toute évidence l’une des solutions les plus prometteuses, et ils sont d’ailleurs au cœur des ODD, à condition qu’ils « placent les peuples et la planète au centre[4] ».

 

Des partenariats donc, mais qui ne pourront réellement atteindre leurs objectifs que s’ils permettent aux différents acteurs d’exprimer leurs besoins et leurs visions.

 

N’est-ce pas là l’essence même du développement durable ?

 



[1] Projet de document final du Sommet des Nations Unies consacré à l’adoption du programme de développement pour l’après-2015, 12 août 2015, A/69/L.85
[2] « Nous, les peuples : le rôle des Nations Unies au XXIème siècle », rapport du Secrétaire général, 27 mars 2000, A/54/2000, p. 4.
[3] Déclaration de Marrakech du 15 avril 1994 instituant l’OMC.
[4] Objectif 17 des Objectifs du développement durable.

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