Une « solidarité additionnelle » avec les chercheurs...

Une « solidarité additionnelle » avec les chercheurs d’emploi

Publication of type Interview published on 16-02-2016

Après avoir créé et piloté le département mécénat et partenariats au Secours Catholique, Vincent Godebout a ensuite créé celui nommé « IAE & RSE », considérant que l’insertion par l’activité économique ne pouvait fonctionner si les entreprises n’étaient pas sociétalement responsables. Aujourd’hui directeur général de Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), il y construit des partenariats entreprises qui sont encore « un livre ouvert », en phase d’intense développement, comme la structure associative elle-même, qui connaît actuellement un grand essor sur tout le territoire français.

Comment est née l’aventure SNC ?

Vincent Godebout (VG) : Il y a une trentaine d’années, une dizaine de hauts fonctionnaires créaient SNC, partant du constat que «  si le travail ne règle pas tout, le chômage dérègle tout ». Ils décident alors, selon leurs propres mots, de « donner leur temps pour accompagner des chômeurs et de partager leurs revenus pour créer des emplois ». Ils créent dans la foulée le premier « emploi de développement », comme on les a appelés alors, pour une couturière, salariée de SNC détachée chez ATD Quart-Monde, qui souhaitait faire confectionner des équipements.

 

Et aujourd’hui, vous avez 2300 bénévoles !

VG : Oui, et une équipe d’une dizaine de salariés. Et alors qu’historiquement, l’activité était à Paris, l’Île-de-France ne représente plus aujourd’hui que 50% de notre travail, le reste se répartissant dans 70 départements. Depuis deux ans, nous créons en moyenne deux antennes par mois. Les bénévoles, dont le profil reste également stable avec une répartition 50/50 entre femmes et hommes, accompagnent 3500 chercheurs et chercheuses d’emploi par an. Nous maintenons un taux de sortie (emploi ou formation) fixe, de 2/3, à l’issue d’un accompagnement qui dure en moyenne neuf mois.

 

Et qui sont les « chercheurs d’emploi » ?

VG : Il s’agit à 60% de femmes, les chômeurs de courte et de longue durée sont présents en même proportion et nous accompagnons des personnes aux niveaux d’études très variés : de Bac-2 à Bac+7 - mais nous ne faisons de distinction ou de sélection sur aucun de ces critères. C’est une dynamique volontaire : les chercheurs d’emploi nous contactent, souvent par le bouche à oreille, par Pôle emploi ou encore par des associations caritatives.

Pour eux et elles, nous créons environ cent « emplois solidaires » par an, dans des structures associatives ou de l’ESS, des postes que nous rémunérons à 115% du SMIC. Nous faisons valoir leurs droits, si par exemple ils peuvent prétendre à des contrats et aides spécifiques. Et puis, pendant l’emploi, nous continuons l’accompagnement.

 

Comment fonctionne la « méthode SNC » ?

VG : Deux bénévoles accompagnent le chercheur d’emploi, toujours en binôme : un homme et une femme, l’un actif, l’autre retraité. Pour chaque accompagnateur, nous proposons un parcours de formation en neuf modules. Le binôme est relié à l’un des groupes de solidarité, ce sont nos antennes locales : nous en avons 170 et en aurons 200 en fin d’année. Chacune a en moyenne une douzaine de membres et se réunit une fois par mois, pour partager sur les avancées, les profils, etc. L’accompagnement, pour nous, c’est d’abord une rencontre avec bienveillance - et en tirer le meilleur, sans rythme ni durée imposée.

Quand un profil de poste arrive, il est diffusé à tous les groupes puis nous nous coordonnons pour envoyer le profil qui nous semble le plus adapté : nous n’envoyons toujours qu’une personne à la fois, nous ne mettons jamais les profils en concurrence.

 

Comment êtes-vous financés ?

VG : Le choix initial de ne pas solliciter de financements publics est resté en vigueur : il s’agit d’une solidarité additionnelle, qui ne met pas à contribution les impôts. De fait, nos finances viennent pour deux tiers de personnes physiques (les bénévoles initialement, et quelques personnes externes à l’association). Le dernier tiers des finances vient de personnes morales : entreprises, fondations d’entreprises et fondations familiales. 14% de nos ressources viennent de la finance solidaire : par exemple, un comité d’entreprise nous donne les intérêts de son livret d’épargne.

 

Quels autres types de relations avez-vous avec les entreprises ?

VG : Nous recevons du mécénat classique, d’entreprises ou de fondations, pour des engagements très divers. Nous bénéficions aussi beaucoup du mécénat et du bénévolat de compétences, et certaines entreprises se font le relais, en interne auprès de leurs salariés, de nos besoins en RH. C’est le cas de L’Oréal, le Crédit Coopératif, Total, Engie, Natixis, la SNCF, etc. Parfois, au sein d’une entreprise, des salariés constituent un groupe de bénévoles SNC. A l’inverse, la BNP favorise plutôt l’engagement de ses collaborateurs hors de l’entreprise, dans des structures SNC en ville. D’autres employés, en mécénat de compétences via leur entreprise, viennent travailler au siège, comme c’est arrivé récemment sur la stratégie numérique. Mais la majorité s’implique plutôt dans les groupes locaux. Beaucoup se mobilisent pour participer à ce que nous appelons nos « activités collectives » pour les chercheurs d’emploi (formations, sophrologie, etc.) Globalement, l’initiative vient plus souvent des salariés que de l’entreprise, mais cela semble changer un peu. Nous avons aussi, c’est intéressant, de nombreux bénévoles qui sont salariés chez Pôle emploi : l’accompagnement « SNC » ajoute du sens, de l’humain…

 

Quelles sont les perspectives de l’association aujourd’hui ?

VG : Nous voulons développer nos ressources financières, pour créer plus d’emplois solidaires : nous aimerions passer de cent à deux cents emplois dans deux ans. Chaque emploi solidaire nous coûte environ 4000€ pour six mois. Nous allons également développer les activités collectives et notre plaidoyer, qui a trois cibles essentielles : nous travaillons avec l’ensemble des partenaires sociaux, pour faire évoluer les dispositifs, pour inventer de nouvelles complémentarités ; nous œuvrons également à faire évoluer les textes, donc auprès des pouvoirs publics ; enfin, nous sommes évidemment en relation avec les recruteurs car nous considérons que les modes de recrutement doivent évoluer, au-delà des robots qui sélectionnent sur la sémantique. A toute demande doit correspondre une réponse, mais individualisée ; par ailleurs, à l’issue d’un entretien de recrutement, on devrait expliquer au candidat ce qui manque dans son CV, faire en sorte que le processus ait un apport positif pour tous et toutes. Nous commençons à travailler avec l’ANDRH, mais ce n’est pas suffisant puisque le DRH, dans la plupart des PME, c’est le dirigeant, donc c’est une sensibilisation générale qui est nécessaire. Mais, si c’est une responsabilité des employeurs, cela leur permettra aussi de contribuer à développer une meilleure empreinte territoriale, et une meilleure assise sociale !

 

THÈMES D'ENGAGEMENT SOCIÉTAL
Education & Formation, Développement économique et local, Action sociale et lutte contre l'exclusion
ZONES D'INTERVENTION
France
LIÉE À UNE ORGANISATION